SANTIAGAO

Vendredi 28 Août 2009
6h30 :
Réveil pour le grand départ. Météo au top.
J'avale une bouillie (pâtes, lait, muesli) pour tenir le coup. Régime " nouilles " depuis quelques jours, aucun détail n'a été laissé au hasard. 3500 kms avalés depuis février.
Je me suis astreint à un programme sérieux, travail en force, vélocité et endurance.
Je pense être bien affûté pour parcourir les 1649 kms qui séparent ANJOU de SANTIAGO DE COMPOSTELLE. Etude du parcours sur Internet, essais de différentes solutions pour le portage des bagages et me voilà paré pour le pèlerinage.
7h30 : Me voici en selle, Claudine est aux commandes de l'appareil photos, derniers bisous et ma silhouette disparaît déjà au virage de l'Alice.
Je pédale très souplement, à SABLONS je croise Laure qui part au turbin puis c'est la montée de SERRIERES, le RHONE s'éloigne lentement dans mon dos. J'enroule au train, bon coup de chaud et ça ne sera sûrement pas le dernier !
ANNONAY, je croise le directeur du théâtre, un salut amical et c'est déjà l'ascension vers ST BONNET LE FROID.

a- " Mais où va-t-on de si bonne heure et chargé de la sorte ? Il m'a mit une musette au guidon et un porte-bagages à la selle. J'espère qu'on ne va pas loin, c'est lourd ! Lui, il a un gros sac à dos, ça pèse bien 12 kg le tout et puis ça grimpe ici, attend je vais le calmer moi ! Parfois, il oublie qu'il a des cales, tiens voilà ! il s'est fait mal au genou en voulant s'arrêter. "

J'achète deux bananes au marché de VILLEVOCANCE, histoire de remettre des chevaux dans le moteur. A midi, je stoppe à ST BONNET LE FROID pour une pause casse-croûte. Le col des BARAQUES fût long à monter et réveille une douleur au genou gauche. A 13 h, je suis chez mes neveux Elodie et Baptiste, les chevriers de ST AGREVE. Nous prenons un café en compagnie du grand-père. Les travaux ont bien avancés, la salle de traite est en cours de finition et pourra bientôt accueillir les 250 biquettes. 73 km parcourus et je continu doucement vers le PUY EN VELAY. 20 km de montagnes russes jusqu'à 1185 m et la descente vers ST JULIEN CHAPTEUIL me fait déjà oublier la montée de BOUSSOULET. Repos dans le gîte communal en compagnie de 2 pèlerins autrichiens. Courses pour le repas, melon, salade de riz concoctée au coin cuisine. Automassage, pommade anti-inflammatoire, dodo.

Samedi 29 Août 2009
Nuit très calme, départ tardif après 8h30 et ça descend jusqu'au PUY EN VELAY. Je ne suis pas pressé aujourd'hui parce que le " Cantador de CHAMPOULET " viens me rejoindre pour une semaine de vélo ensemble. Visite du PUY, la cathédrale, le centre ville, la dentelle. A 11 h, " Bood Family ", rentrant de vacances en Basse Ardèche, me retrouve pour un pique-nique à proximité d'une église avec force charcutaille, et Patrice il s'y connaît en la matière. 17 h, super Denis arrive, installation pour la nuit dans le gîte des Capucins qui borde le GR65.

- " Ha ! il a encore mal au genou, mais la pommade lui fait du bien apparemment. Mais où va-t-on ?
Hier 100 km et le soir il m'a attaché dans un escalier, c'est pas des façons ça !
Aujourd'hui, peu de kilomètres, ça me va moi ! Tiens, il me laisse dehors tout seul, en plus ça caille ici."

Chambre à 4 lits en compagnie de deux marcheurs. Repas en soirée au " Flunch " de BRIVES-CHARENSAC, nouilles à volonté. Journée tranquille bienvenue car avec ce souci de genou ça me repose la jointure. Par courtoisie nous prévenons nos colocataires des barrissements nocturnes de Denis, comme ça pas d'embrouilles.

Dimanche 30 Août 2009
Nuit bizarre. Bon, certes " le porte-avions de la PUISAYE " fût fidèle à sa réputation, mais encore plus fort, un des marcheurs, probablement le plus stressé, émettait des grincements de dents très sonores, du brutal, limite insupportable, donc sommeil haché.
6 H : Debout. A 7 heures, Denis et moi allons avec à la messe de départ des pèlerins pour ST JACQUES DE COMPOSTELLE. Près de 100 marcheurs pour assister à l'office, très solennel, très émouvant après avoir échangé un moment de fraternité avec mon compagnon de chemin. Le prêtre dit avoir vécu au NIGER alors forcément les moments forts il connaît. Remise de petites médailles et tampon sur le carnet. Départ cool cool vers la 1ère étape, sortie du PUY EN VELAY par un bon raidard, puis chemins divers et arrivée sur le plateau.

- " Tiens, j'ai un copain ce matin ! Il est noir, un peu plus grand que moi, il s'appelle Lapierre. Mais il est dingue ce mec ! je suis secoué de partout, ça cogne, ça tape, " mais y connaît pas Raoul ! " attends tu vas voir, je vais lui faire peur ça lui apprendra. Hop ! je dévisse doucement mon frein arrière.

Cailloux, grosses pierres, rochers…arrêt au Bistrot de Bains, je règle mon frein arrière et m'aperçois que l'étrier est desserré. Super casse-croûte à ST PRIVAT D'ALLIER. Magnifique paysage de la vallée bien verte, grand moment lors de la descente vers LA CHAPELLE DE ROCHEGUDE. Forte côte goudronnée jusqu'à SAUGUES. La MARGERIDE, région très rude et patrie de la fameuse " Bête du GEVAUDAN ". Nous stoppons dans le gîte communal, très bien. Rencontre avec d'autres pèlerins. Lundi 31 Août 2009 Nuit au son du moteur de B52, du coup : pas fermé l'œil ! Frisquet ce matin, 6° pour les 1er tours de roues sur des chemins agréables, bonne montée vers le DOMAINE DU SAUVAGE, grande bâtisse, beau corps de ferme isolé dans la forêt. En route nous devons ouvrir et fermer plusieurs barrières. Succession de combes dont une avec de belles racines ; séquence secousses !

- " Ouille ouille, il est fou, il va me déglinguer ! Mais je me demande où on va et quatre jours que ça dure. J'vais encore essayer d' le freiner et hop voilà une plaquette qui couine, ça va le stresser. "

Casse-croûte à ST ALBAN SUR LIGNAROL. Retour au casse-pattes pour terminer au camping d'AUMONT D'AUBRAC. C'est là que Stéphane nous rejoint pour nous accompagner quelques jours. Super, cette journée chaude et bien ventée ! Beaucoup de pèlerins doublés, les gîtes et chambres d'hôtes en tout genre sont également plus nombreux. Le chemin, un business ?

Mardi 1er Septembre 2009
Avec les deux dernières nuits quasiment blanches, il m'est obligatoire de bien dormir cette fois. La nouvelle tentative de partager la tente avec Denis a tourné court, la salle de ping-pong du camping m'accueille pour un sommeil paisible et réparateur, c'est important. Nous débutons le plateau de l'AUBRAC au lieu-dit " Les quatre chemins ". Un bon caoua au bistrot " chez Régine ". Bar des années 60, tenu par une dame également d'époque, tout droit sortie du film " Razzia sur la chnouf ". Une fille de Paname, cibiche au bec (il ne manque plus que les julots et les nénettes) elle nous explique, au son d'un air de musette, qu'il faut être fou pour vivre ici. Elle a raison, car quelques kilomètres plus loin c'est un paysage lunaire, vallonné avec d'immenses pairies séparées par des murs sans fin. Des abris de berger en pierres, appelés Burons, viennent jalonner ça et là ce désert. Nous sommes à 1300 m.

- " Ha ! Tiens, tiens, tiens ! il a mal aujourd'hui, il pousse dans les côtes. Ben oui, je le freine et il s'en doute pas ! Mon ami Lapierre va bien lui. "

Bon repas à AUBRAC au pied d'une impressionnante statue de bois représentant un buronnier. Comme d'habitude, pâtes, jambon, melon. Une pèlerine reprend la route avec son âne. Chapeau ! Nous visitons la maison de l'AUBRAC puis descente vertigineuse (séquence marteau-piqueur) vers ST CHELY D'AUBRAC. Changement brutal de paysage ; une vallée boisée descendant vers le LOT. L'étape se termine sous un vilain crachin au camping de ST COME D'OLT et son clocher tors.

Mercredi 2 Septembre 2009
Humide, mais la bruine a cessé, gentil chemin en bordure du Lot pour ESPALION, nous retrouvons Stef à ESTAING, village à nouveau très typique. Nous rejoignons GOLIGNAC par 17 km de route car le GR très pentu est trop glissant à vélo. Halte à GOLIGNAC.

- " Brrr…pas chaud au départ. Ha ! enfin, il craque. Il l'a joue looser et prend la route. Normal, je le ralentis toujours, ça lui apprendra, il m'en a fait baver hier. 8 km de descente sur des grosses pierres, j'en ai marre moi ! Mais il me le payera. Tiens, le pilote de Lapierre en bave aujourd'hui lui aussi.

Un mur de pierre fait notre table à manger face à la belle vallée du LOT. Le GR serpente doucement, enfin presque, car ensuite plusieurs pentes sévères en vallons de montagne (800m) se succèdent. ESPARAC, SENERGUES et enfin descente très pierreuse, parfois pieds à terre obligatoire vers CONQUES. Superbe cité médiévale, l'abbatiale, maisons typiques, haut lieu de pèlerinage avec le prestigieux trésor. 55 km bien fatiguant mais que de beaux paysages et villages traversés.

Jeudi 3 Septembre 2009

- " J'ai encore couché dehors cette nuit, accroché à Lapierre. J'en ai ras le bol ! Avec une descente sur des marches énormes, j'vais craquer, c'est sûr. "

Longue ascension de 6 km vers NOILLAC (qui contourne du coup LA CHAPELLE SAINTE FOY) où le " cantador de CHAMPOULET " a subit un sérieux revers. Pluie au sommet et descente très prudente vers DECAZEVILLE. Arrivé en bas, je m'aperçois soudain que la roue arrière de mon vélo a du jeu. Fatalitas ! Démontage et auscultation par un marchand de vélo, verdict : moyeu desserré voir plus, à confirmer mais le mécano n'a pas la clef appropriée. Je dois me rendre à FIGEAC (20 km) pour une expertise plus précise. Denis continu seul et Stef m'emmène jusqu'au magasin " Véloxygen " de FIGEAC. Résultat la roue est " HS ", l'axe a trop battu. 30 mn plus tard et 150 € en moins, voici le MBK en état de rouler. Le voyage continu. Installation au camping pour les préparatifs de la suite du périple. Presqu'un nouveau départ avec réorganisation du sac à dos, puis visite de FIGEAC arrosé par la rivière Le Célé.

Vendredi 4 Septembre 2009
Denis a dit " Pluie du matin n'arrête pas le pèlerin " et c'est vrai puisqu'il est 8 h lorsque je quitte mes deux amis au camping. Fin de cette courte cohabitation, retour à ANJOU pour Stef et CHAMPOULET pour Denis. Ce dernier en pleine déception sentimentale a ainsi vidé une partie de son cerveau en passant quelques jours sur le GR65. Donc, fin de thérapie pour lui. La pelisse est de rigueur car une bruine épaisse accompagne ce début de journée. La 406 de Stef disparaît dans la circulation et moi je me dirige vers CAHORS via la variante de la vallée du CELE que je rejoins à BEDUER. Ce chemin suit intimement la rivière, puis grimpette jusqu'à ST CINQ-CIRQ LA POPIE. Perché sur un éperon rocheux, ce village est parmi l'un des plus beaux de France.

- " Hé bien, cela ne lui a pas servi de leçon, il continu à m'en faire baver le chameau ! Qu'est ce que je vais bien pouvoir lui inventer ? Ah oui, ça y est ! le grincement, ça en principe, ça énerve "

Visite obligatoire, puis route jusqu'à CAHORS.
Très belle étape dans le QUERCY sous un soleil splendide à partir de midi. Il est 17H30 lorsque je m'adresse à l'accueil des pèlerins à l'ancien octroi du pont. Deux dames, très gentilles, m'accueillent avec jus d'oranges et gaufrettes. Elles me réservent un gîte qui se trouve à 10km dans un hameau appelé ST REMY. Après le pont VALENTRE c'est une falaise qu'il faut affronter avec poignées pour se tenir et tout ! Sagement, je suis le goudron pendant 10 km, il est 18H30 et un couple vraiment accueillant m'attend. Repas et chambre " nickel ", ça tombe bien je suis " occys ", pas de berceuse ce soir.

Samedi 5 Septembre 2009
Le patron est cycliste, donc nous passons le petit déjeuner à parler vélo tandis que la dame me beurre les tartines. 8 H, le monsieur m'accompagne pour 5 km de piste, le profil est vallonné, la terre argileuse colle un peu, il fait frais, pas un pèlerin en vue. 10 H, je suis à MONTCUQ, forcément j'envoie une flopée de cartes postales avec des jeux de mots faciles. Un panneau indique SANTIAGO 1132 km. Je suis en pleine écoute de mon MBK, chaque jour il y a un bruit nouveau. Forte butte avec main courante par endroit, 7 km éprouvants, mais au final la superbe cité de LAUZERTE vaut vraiment le détour juste au sommet d'un mont rocheux. 32 km au compteur, encore 22 jusqu'à MOISSAC sur un profil plus roulant. Pendant le casse-croûte, je revois passer le couple d'allemands qui me suivent depuis le PUY EN VELAY. Visite de MOISSAC, le cloître, la basilique et ses bas reliefs, je profite d'un groupe de touristes pour écouter les explications détaillées. Je poursuis par le canal du midi, 10 km de plat, la GARONNE est en vue. Arrivée au gîte d'étape situé au nord de MALAUSE à 3 km du GR. 30 € la formule en ½ pension, bon plan pour les tôliers. Je partage la chambrée avec 2 pèlerines et 1 pèlerin. Super, le beau temps continue, tant mieux. Je suis encore à l'écoute de mon vélo, toujours des nouveaux bruits. Aujourd'hui il grinçait, de la selle, c'est nouveau !

Dimanche 6 Septembre 2009
Nous étions chez de gros producteurs céréaliers du coin. Lui, bientôt en retraite, est philosophe dans son genre. Nous avons discuté jusqu'à point d'heure du chemin de Compostelle. Pourquoi ? Comment ? Etc.… .Du coup j'ai eu du mal à trouver le sommeil, il m'a fait gamberger le " Platon " local.
Les 3 corréziens sonnent le réveil à 6 H 00. 45 minutes plus tard, je marche avec eux sur quelques kilomètres. Passage de la GARONNE. Pas chaud ce matin, on endurerait bien les moufles.
A AUVILLAR, c'est jour de marché. Les camelots sont installés sous une très belle halle toute ronde. Dépassement d'une dizaine de marcheurs par un relief bien plus doux qu'hier. Encore beaucoup de villages superbes. MIRADOUX, ARZAC- ARROUY.
12 H : LECTOURE et la tour du BOURREAU. Ca cogne, halte au snack, un " Perrier ", une entrecôte - macaronis. Dans la brume de chaleur, je discerne la chaîne des PYRENEES, 150 km à vol d'oiseaux selon le serveur. J'écris du courrier avant de repartir vers 14 H, en pleine chaleur. Mais arrêt forcé à l'ombre sur la variante de CONDOM, plusieurs arrêts d'ailleurs, alors plus une goutte de flotte dans le bidon.
C'est à CAUSSENS que je trouve une fontaine, je peux à nouveau boire et m'asperger généreusement.
17 H : Descente sur CONDOM, saoulé de chaleur, pas âme qui vive. Je repère le gîte communal, une grande bâtisse au cœur de la cité. Personne ! Je m'installe au 2ème étage ; grand dortoir pour pèlerins, grands plafonds, grande cuisine. Je monte le vélo et l'accroche au radiateur. Je m'aperçois alors que la roue arrière freine, peut-être une plaquette de travers ? Pour l'heure, découverte de CONDOM et sa chouette cathédrale gothique. La gérante vient réclamer la nuitée. Belle poule ! Mini jupe, yeux bleus, très sympa. Souper en compagnie du belge. Je mitonne une recette personnelle " Chorba -coquillettes " qui embaume l'étage. Pour mon colocataire, c'est des patates forcément. Demain, il prévoit 33 km, moi je navigue au juger. Je lève un peu le pied, j'ai tapé dur depuis le départ de Denis, il reste 1000 km avant St Jacques. Je dois ralentir, le passage aux trois chiffres est un cap. Superbe coucher du soleil qui se reflète sur la façade ocre du prieuré.

Lundi 7 Septembre 2009
Mon ami belge a dormi comme un bébé et moi également.
7H15 : Il fait à peine jour quand je décolle. Le mangeur de frites, soi-disant matinal, n'est pas prêt, donc je retrouve la piste seul. Au départ je marche pour dérouiller les muscles puis échauffement pendant 10 km, je suis un diesel la montée en température est lente. 7°, j'ai froid aux mains. Le parcours est roulant entre chênaies, vignobles et maïs. A MONTREAL DU GERS, j'appelle Claudine, c'est la rentrée des gosses. Je double une vingtaine de marcheurs. Après la levée du soleil, place à la brume. Maintenant, je mouline sur une ancienne voie ferrée, deux chevrettes m'arrachent de mes pensées, elles détalent d'un bond souple. A MANCIET, la température grimpe. Repas avec deux québécoises. Bain dans une fontaine avant les 9 km qui me mènent à NOGARO.

- " La chaleur torride fait pleurer les joints spy de fourche, ça talonne. Peut-être que ça va le calmer un peu parce que dit donc il est en forme décidément ! tiens, il a pas mis de slip aujourd'hui, il a mal aux fesses ou c'est un essai ?

Arrêts fréquents, 34°. A NOGARO, gros gîte d'étape situé juste à coté du circuit. Ouf, il reste une place ! Tiens, ça tourne aujourd'hui. A l'oreille, c'est des motos. Allez, inscriptions, installations, lessive et je file au circuit où une meute de bécanes s'affrontent. Tout a changé depuis 30 ans, ça me fait bien plaisir de revenir ici, c'est un circuit qui m'a toujours réussi. Maintenant, c'est au supermarché que je vais faire les " courses " ! Préparation du repas (riz thon) en compagnie de dames de ST HILAIRE DE LA COTE. Boudin acheté à EAUZE en apéritif. Couchage en dortoir. Par chance, le climat est super.

Mardi 8 Septembre 2009
Départ comme hier, guidage à la " Petzel ". Des marcheurs sont déjà en route, il fait noir, certains boitent bas, dur-dur pour les bagnards du GR65. De plus, la nuit en dortoir c'est tout un poème : les ronflements, nous avions un métronome, un sporadique et également un virtuose avec raclements de gorges à la Barry White couplé d'apnées du sommeil et borborygmes rappelant un hydravion en phase d'écopage. Sans parler des pets et autres sons divers... Nuit agitée. Le soleil se lève juste lorsque j'arrive à AIRE SUR L'ADOUR, gonflage des pneus.

- " Mais, qu'est ce qui lui prend de gonfler les pneus ? J'aimais bien moi.
Ca saute maintenant. Attend, tu vas voir ! "

C'est la plaine des LANDES, ses gaveurs de canards et champs de maïs. MIRAMONT-SENSACQ, halte à la fontaine. Tension des rayons qui craquaient et dégraissage du dérailleur. Rencontre avec un gars qui voyage, lui, en complète autonomie pour question de budget me dit-il. Poids de son sac à dos : 16 kg ! C'est un choix différent qui diminue les rencontres, mais chacun son chemin. Reprise dans le bocage vallonné jusqu'à PIMBO. Arrêt repas place de l'église avec d'autres personnes, une demoiselle vend des boissons et du pain, parfait ! Une heure de pause, j'appelle Denis, il a 49 piges aujourd'hui. ARZAC, ARRAZIGET est à 5 km mais plus de jus dans la machine. Il fait très chaud, gros coup de bouillotte et pieds à terre en côte. Je trouve le gîte communal, je suis bien cuit, vite le lit et la sieste. Le col de BENTARTE est à 140 km, d'ici on aperçoit les montagnes. La chaleur tient jusqu'au soir, 33° à 20 H. Je loge au 2ème avec une famille de trois personnes. Le papa boitille sévère, il a les arpions gonflés comme des navets. Repas commun en compagnie de quarante " chemineux " affamés. Entrée, tomates-terrines puis pattes de canards (c'est le pays) nouilles et yaourt. Voici l'humble menu du pèlerin.
20h30 : tous au plumard et pas de fainéants je vous assure !

Mercredi 9 Septembre 2009
Sublime nuit réparatrice. 7H : Petit déjeuner dans la salle, la moyenne d'âge est de + de 60 ans, j'ai soudain le sentiment d'être dans une maison de retraite. 7H20 : Reprise de la piste, ciel nuageux, l'idéal comparé à la semaine passée.

- "Cette fois, il est cinglé, il pédale comme un fou. Pas un jour de répit, en plus hier j'étais attaché à un balcon, J'avais le vertige, ça suffit, mince alors! "

ARTHEZ DE BEARN, toujours le même relief depuis MOISSAC avec plus ou moins de hauteur de vallées, 600, 700 m. Chemin bien roulant, très sec (heureusement) passage de plaines à maïs. Roulage agréable comparé à hier. Le traitement melon, noix de cajou, chocolat et repos a été efficace au demeurant.
13H30 : NAVARRENX, ses remparts, la porte St Jacques. Rencontre avec un gars de ST ROMAIN LE PUY
Repas dans une brasserie : lasagne - salade.
15H reprises jusqu'à AROUE (18 km), le gîte de la commune est juste à l'entrée du bled. Des occupants sont en terrasse, je me pose, trouve un plumard. Ici, il est possible de se ravitailler sur place ? Dans la cuisine un gros placard regorge de victuailles à prix " spécial pèlerin ", c'est Top !
Soudain, un type crie : " Y a des punaises ! ". D'abord, j'ai cru qu'il avait marché sur une punaise retournée, mais non, ce sont de véritables insectes qui couraient sur les draps, sûrement importés par le flot incessant de nomades. - " Bientôt ce sera la grippe du MEXIQUE ! " pensais-je. Tout le bâtiment est en émoi. Deux couples désertent rapidos les lieux, puis deux autres les imitent, du coup je me retrouve seul dans la piaule. Inspection de la paillasse et bingo, elle est infestée de bestioles. Sur ce, la gérante se pointe, déconfite. Elle ferme le dortoir, je déménage à coté, cela paraît plus clean. Retour au calme, douche, lessive, le train-train quotidien du bon pèlerin. Je commence seulement à déconnecter, à dormir comme pendant le " Raid Loire ", nuit complète et ça c'est bon. Aujourd'hui, j'ai doublé des personnes de tous horizons, ST ETIENNE, PARIS, ORLEANS, les VOSGES, d'AUSTRALIE, tous surpris de me voir à VTT. Les questions : vous avez le même parcours que nous ? Ca doit être dur ? Oui, c'est raide et jusqu'à maintenant j'ai suivi le chemin des pèlerins sauf à de rares exceptions. Le plus dur, ce sont les montées à très fort pourcentage, quand il faut pousser et parfois porter. Mais, je m'aperçois que je progresse en ce domaine, je m'adapte. Je suis aux portes de l'ESPAGNE, enfin presque. A NAVARRENX, une borne m'indique - 873 km. J'ai 804 km au compteur, demain j'aurai passé la moitié en 14 jours. 19 H : La patronne revient avec des fumigènes et les dégoupillent. Maintenant, ça pue, je crois que je vais dormir dehors.

Jeudi 10 Septembre 2009

- "Y va avoir un réveil pénible ! Allez, je me dégonfle de l'avant, histoire de lui saper le moral en début de journée. En plus il me remet une chambre à air percée, le nul ! "

Finalement, j'ai bien dormi. Zut, la roue avant est crevée, il va m'emmerder jusqu'au bout ce spad ! Changement de chambre, gonflage ; tonnerre, j'en avais amenée une déjà crevée, grattage, rustine… les boules quoi ! Reprise de l'expédition. Fini les côtelettes sympas, depuis un moment le relief s'accentue, nous sommes en haute montagne, le pays Basque. Les pancartes sont libellées avec les 2 écritures comme en Provence. Piste très dure vers OSTRABAT puis jusqu'à ST JEAN LE VIEUX et enfin ST JEAN PIED DE PORT. Ville touristique par excellence. Les nuages se dégagent, laissant place aux montagnes et au soleil. Trouver un gîte, aller à la poste pour vider le surplus de mon sac à dos dans un colissimo pour Claudine, effectuer des achats, préparer des pâtes pour 2 repas, masser les jambes, vérifier le vélo qui freine, changement des plaquettes arrière et c'est bon.

- " Zut, il a trouvé la combine, il change la plaquette, je ne peux rien faire pour le ralentir désormais. Tiens, il me graisse, qu'est ce qu'il lui prend ? Mmmmh, ça fait du bien ! "

L'accueil pèlerins de ST JEAN PIED DE PORT : pourquoi y'a pas le même au PUY EN VELAY ? Situé au milieu de la rue pavée de la citadelle, c'est un lieu parfaitement rôdé. Cinq ou six personnes s'y affairent pour donner le maximum d'infos aux marcheurs, documents dans toutes les langues. Hébergements et questions multiples sur la suite du GR. Je repars avec la liste des réparateurs de vélos en ESPAGNE, celle des gîtes, auberges jusqu'à ST JACQUES et une page avec le profil du chemin réalisé par les " amis de St Jacques " des PYRENEES-ATLANTIQUES. Enfin, je peux me préparer à gravir le col. Si j'observe la courbe de dénivelé, ça fait peur : 20 km et 1300 m en positif. Depuis le départ, les paysages splendides se succèdent, j'en ai déjà plein les yeux. Ce gîte est un peu (beaucoup) crade, mais c'est un palace comparé à l'hôtel " Nuit de Chine " de MOPTI au MALI où il fallait cohabiter avec les petits rats et un troupeau de blattes, sans parler de la literie qui a vu passer un bataillon de tirailleurs… Dodo de bonne heure, demain " Viva Espagna ! ". ST JACQUES 770 km. En Août, 26500 pèlerins sont passés par ici.

Vendredi 11 Septembre 2009
6H15 : Tout le monde sur le pont. Victor, un jeune vététiste espagnol rencontré la veille, sera mon co-équipier pour l'ascension du col de RONCEVAUX. En prévision de la rude journée à venir, je gloutonne une assiette de nouilles et prépare une ration dans le Tupperware de la tante Yvette. 7H : Il fait noir lorsque nous nous dirigeons vers la route Napoléon. Devant nous… un mur ! Les premiers hectomètres sont à 15%, voir plus. Pieds à terre sur 1 km, le " tout à gauche " ne suffit pas, remise en selle ; le jour pointe, 22/32 continu, Victor est moins chargé et suit le rythme. Km 4 : encore un mur, nous avançons à peine plus vite que les marcheurs. Nous passons HONTO (480 m) et là encore, poussage du vélo sur 1 km. Refuge d'ORISSON (770 m), pause bienvenue. Ravitaillement en eau, dattes, bananes, barres de céréales. 20 mn d'arrêt et la montée continue, les lacets grimpent velus, le ciel se dégage. Au passage du 12ème km (1100 m), nous sommes au dessus des nuages, cette fois nous rattrapons plus facilement les pèlerins. Arrivée à l'éboulis de CHATEAU-PIGNON (un amas de bloc de pierres), la vue sur les PYRENEES est sublime, on observe les versants espagnols et français, nos arrêts sont fréquents pour en profiter pleinement. Le col de BENTARTE arrive (1300m), la pente s'est légèrement adoucie. Quel spectacle ! Au 20ème km c'est la fontaine de Roland, du son du cor il ne reste plus que le bruit du robinet qui couine. Là, ça commence à redevenir relativement roulant mais reste l'ultime passage du col de LEPOEDER (1410 m). Un vététiste espagnol nous rattrape, dans ce secteur pierreux, il roule mieux que nous, avec son " Orbéa " tout suspendu. Cette fois, nous sommes en NAVARRE et au col de RONCEVAUX ! Superbe matinée, plus de quatre heures de grimpée et des paysages magiques. Cap sur l'ESPAGNE désormais, descente très rapide sur RONCESVALES. Tamponnage du carnet de pèlerin à l'imposante collégiale. Casse-croûte au bar, face à nous un panneau indique : SANTIAGO 790 KM.

- " Il a tellement tiré sur les pédales que je sentais ma chaîne s'allonger. Ha, il en a bavé le gaillard ! Il va peut-être se calmer un peu. A part ça le pays est chouette et j'ai plein de nouveaux copains, super ! "

Retour au sport avec mes deux compères ibériques, les muscles vont bien donc, c'est bon. Le profil est encore soutenu. Pour finir, Victor crève de la roue avant ; changement de chambre à air avant la descente bien piégeuse de ZUBIRI. Je dérape sur une marche glissante et je chute sur le coté. Ouf ! J'ai seulement quelques égratignures au coude. Une fois au village, c'est ma première prise de contact avec ces fameuses Albergues* espagnoles. Ici, tout est complet, alors on aligne les marcheurs sur des blocs de mousse dans un gymnase, du linge sèche au mur (50 m d'étendage). Une population de canadiens, polonais, malaisiens, russes et autres nationalités se reposent, ça fourmille, je crois qu'il y a au moins 200 personnes. Nous nous déplaçons dans une autre cambuse. Chouette, on se pose ! Enfin presque, car ici les cyclistes ne sont pas acceptés. Victor me renseigne sur les habitudes du pays notamment les horaires de repas décalés de 3 heures. * Auberges espagnoles Au final, nous sommes installés à HUERTA dans la banlieue de PAMPLONA après cette journée marathon. L'auberge municipale est classe et quasi déserte (4 € la nuit). Victor mijote une paella avec les moyens du bord. Enfin nous nous relaxons. A coté de moi un québécois masse généreusement ses genoux.

Samedi 12 Septembre 2009
Grasse mat' et matinée relax avec visite guidée de PAMPELUNE, sa vieille ville fortifiée, le pont de la Magdalena, la fameuse rue où se passe l'Enciero de PAMPELUNE. - " Ha ! c'est bien calme ce matin. Tiens, il me graisse à nouveau, il est gentil après tout ! ". Reprise en souplesse du " Camino " pour le mont ALTO DE PERDON. Au sommet sont alignées une bardée d'éoliennes ainsi que des statues en tôles représentant des pèlerins, marcheurs ou à cheval ou ânes. Descente abrupte vers PUERTA LE REINA. Mon ami Victor fini son chemin ici et nous nous quittons avec regret lorsque sa fiancée vient le chercher. Nous formions tous les deux une bonne équipe pour SANTIAGO. Grâce à lui, je suis rentré en douceur en ESPAGNE, à moi de jouer désormais. Objectif de l'après-midi : ESTRELLA (22 km). Soleil de plomb, chemin large puis se rétrécissant en flute. Par excès de prudence, je chute au ralenti dans un buisson d'épines, j'ai simplement le coté gauche griffé, le cuir est épais ! Les multiples fontaines de village sont très appréciées. A ESTRELLA, l'auberge municipale est juste à l'entrée, chic ! Une place pour moi dans un couloir.

- " Je suis dans le patio avec 6 amis, c'est bien l'Espagne. Je ne m'ennuie pas, la nuit on discute avec les copains : " Et toi, pas trop lourd ton chauffeur ? Pas trop brutal ? " etc.… .
Menus achats au supermercado. Demain, c'est dimanche. Douche, repas, valse des casseroles, nouilles, saucisses, sauce tomate, le tout au réfectoire où se côtoient brésiliens, chinois, français, espagnols… . Je me pose et à 21H15 au bed.

Dimanche 13 Septembre 2009
Pas pioncé cette nuit, bien trop bruyant. En plus, dans la couchette au dessus de moi, j'avais un moteur de bétonnière. 5H30 : Allumage des feux, la sono diffuse Bob Marley, c'est le début de la journée. Dehors, les vététistes brésiliens font déjà des échauffements, étirements et tout le tralala. Moi, je déjeune de muesli et jus d'oranges. Bavardage au réfectoire. Avec mes mots d'espagnol, appris dans Astérix en Hispanie, et mon anglais à la Laurel et Hardy, j'me débrouille.

- " Ha non, pas si tôt ! Il fait encore sombre. Non, là c'est la " Nervous-breakdown " Allez, j'me dégonfle. "

Le décollage à 7H par une pente raide, au bout de 2 km, je roule sur un tesson de bouteille et " pchutt " mon Hutchinson Python à plat. Ca commence fort, réparation sous un lampadaire. Mais, un mal pour un bien car la pochette du bag guidon était restée ouverte et sans cette panne, avec les cahots, adieu portable, lunettes, stylos…ouf ! Le GR passe devant la fameuse fontaine d'Irache, tout près d'un monastère. Deux robinets : à droite de l'eau, à gauche du vin à volonté, réservé aux pèlerins. Je goûte, il est bon et le texte au dessous est tout aussi savoureux, il dit : " Pèlerin, si tu veux arriver à SANTIAGO avec force et vitalité, de ce vin avale un coup et trinque à la félicité ". Très superstitieux, j'en déguste une rasade et verse une goutte de pif sur mes pneus pour éviter les crevaisons, si ça peux aider. Le ciel est couvert et c'est mieux. La piste, bosselée, joue à cache-cache avec la nationale 120. J'arrive à VIANA, dans la banlieue de LOGROÑO. La ville est en effervescence, il se prépare une Enciero. Le lâché de taureaux est prévu ce soir. Les Razeteurs sont déjà en costume blanc et rouge. Je pousse un peu et, casse-croûte à la petite chapelle ermitage de la vierge de LAS CUEVAS, endroit calme, bien ombragé. Je partage mon repas avec une couple de DRAGUIGNAN et un gars de MONTREAL. Il fait bien chaud. LOGROÑO : La traversée des grandes villes est pénible, ça trouble notre tranquillité. Le Camino est bien signalé, parfois des panneaux mais surtout des flèches jaunes peintes au sol, sur les murs, bref un peu partout, pas moyen de se paumer. Une pelouse épaisse m'accueille pour une sieste. ANJOU - LOGROÑO : 1010 km. Après manger, j'ai beaucoup de mal, la chaleur me perturbe, le temps devient pénible, orageux. La fatigue s'accumule, je roulotte et j'arrive enfin à NAVARRETTE vers 16 H. Douche et sieste à l'Albergue. Le gérant, un nantais, possède un humour bien à lui. Au réfectoire, où il y a tout pour cuisiner, il est intéressant d'observer le comportement des pèlégrinos. Des couples se cherchent, se forment, d'autres se disputent, souvent pour des conneries : " où va-t-on s'arrêter ? Lui, il a dit ça etc.… " Parfois la cohabitation flash. Les plus marrants, ce sont les groupes. Chacun a ses petites manies qu'il faut gommer pour se fondre dans le mouvement. C'est ça le chemin, ça fait partie de l'épreuve que s'inflige tous ces gens qui n'ont qu'une obsession : SANTIAGO. Maintenant, on voit fleurir le marchandising dans les boutiques, tee-shirts, casquettes, badges avec la coquille. A la réception de l'albergue, on trouve cartes postales, divers produits pour calmer les ampoules, muscles, courbatures… . Séance photos et dodo.

Lundi 14 Septembre 2009
Une fois n'est pas coutume, j'ai bien dormi et ça c'est un excellent remède contre la fatigue. J'avais une bonne place au 3ème étage au fond du dortoir, pas de réacteur dans la chambrée, parfait. Rencontre au petit déjeuner avec des gens d'ETAMPES.

- " Je suis dans le troquet du coin avec d'autres potes, nous sommes cinq. Chut, il arrive. "

7H30 : Récupération du MBK, mise en jambes à pieds jusqu'à la sortie de la ville. Le ciel est chargé de nuages noirs à l'horizon. Je dépasse une flopée de marcheurs mais où vont-ils avec leurs bâtons de ski ? Y'a pas de neige encore ! Le chemin gravillonné suit forcément le profil du terrain (alt. 800 m), chaque village est perché au sommet d'une butte.
A GRANON, je savoure mon pique-nique dans une terrasse aménagée surplombant la vallée. Dialogue difficile avec un vieux du bled. J'ai déjà parcouru 43 km. Le GR est toujours intimement lié à la N 120, il serpente entre vignes et plaines à blé, on distingue facilement les marcheurs au loin. Comme il est tard, je l'ai pour moi tout seul. Ha, enfin une bonne côte ! Je commençais à m'ennuyer. Une haie de peuplier m'amène vers un secteur boisé et une montagne à 1100 m. Je suis à l'albergue de VILLAFRANCA MONTES de OCA. Grande bâtisse, ancienne école, 80 places. La patronne est du style " Tour de contrôle ". Du haut des ses 1m50, elle un œil sur tout. 6 € la noché, pas possible de cuisiner, un bon plan pour le resto du coin et beaucoup moins de boulot de nettoyage pour l'aubergiste. C'est qu'une fois tout le monde sur le chemin, il faut astiquer pour les prochains et tous les jours c'est à recommencer. A la superette du coin, la tôlière tente de me faire le " coup de la balance " qui consiste à laisser un doigt sur le plateau pendant la pesée de mon morceau de chorizo. 350g de différence. Ha, non madame ! Pas à moi, un fils d'épicier. Elle s'excuse, un ptit sourire en coin. Retour au dortoir pour la rédaction de mon carnet de voyage, en compagnie d'une canadienne et d'un couple d'agriculteur à la retraite, venu de la Moselle. Dortoir 18 places, c'est la première fois que je dors à hauteur sur un lit double.

- " Tiens, j'ai un copain Tandem ce soir, il vient de Suède, sympa ! ".

Mardi 15 Septembre 2009
Les éclopés, les boiteux partent de bonne heure. Ils gagneront la prochaine étape, alors ils inspecteront leurs pieds, puis pansements, crème, pommade, camphre pour les muscles. Le camino peut rapidement devenir un supplice, une épreuve (d'ailleurs certains resquillent en taxi). Et encore, le terrain est sec, j'imagine qu'avec la boue l'ambiance doit être plus lourde. Grâce à " Dieu " je n'ai pas de souci physique, mais je reste en totale contrôle de mon corps. Nous avions dans la chambrée un " Personnage ". Le type, 65 ans, barbe de 30 cm, sandalettes, costume marron de pèlerin avec force coquilles et autres croix celte, un feutre mou, genre corsaire sur la tête et la grande canne avec calebasse. Le souci, c'est qu'il avait dû être opéré de la gorge, il parlait difficilement, en émettant des sons rocailleux, incompréhensibles. Jusqu'à là, tout va bien, sauf qu'à l'extinction des feux, le voilà pris d'une quinte de toux. Je me dis (et je pense ne pas être le seul) : " C'est foutu pour la nuit ". Par chance, ça n'a pas duré et la nuit fût calme. Mais au réveil, j'ai cru qu'on allait devoir chercher un prêtre. Le lascar est plié en quatre, rouge comme un piment d'Espelette. Un peu plus tard, quand je suis parti, il avait l'air d'aller mieux. 7° : Pas chaud pour grimper ce petit col (1100 m). PUERTO DE LA PEDRAJA, autour c'est la pinède, je rattrape déjà ceux partis à 5H30. Succession de villages et montée dans un décor lunaire, piste très caillouteuse, curieusement des petites fleurs de Crocus violettes poussent à travers la roche. Au sommet pointe une croix, entourée d'un alignement de cailloux en colimaçon, je rajoute le mien à la suite… superstition, quand tu nous tiens ! Plongée sur BURGOS, sa zone industrielle, sa banlieue. Achats à El Campo (Auchan), je me réfugie vite dans la vieille ville et méditation gourmande dans un square. Je devais stopper ici, mais comme je suis tout seul, je fais ce qui me plais, c'est l'avantage.

- " Il ralenti mon chef ! Il me bichonne, maintenant graissage tous les jours, il nettoie même mon dérailleur. Finalement, nous sommes bien ensemble, au début j'ai râlé mais bon, je vois du pays… "

Je pédale sur un chemin bien tracé qui serpente de plateaux en monticules. Cela ressemble à la piste de TESSALIT au MALI, la nationale n°1, ce qui me donne parfois l'impression d'être déjà passé par là. Bonnes suées dans les séances pieds à terre. Pas la peine de forcer, le temps est gris, descente en coupe lacets vers HONTANAS, oasis verte au milieu de la rocaille. Charmant village, la première albergue est full, mais la municipale a des places. Joli dortoir de 30 personnes, une cochina. Je fais aussitôt frire les oignons et rajoute les tomates " m.e.c ", puis casse des œufs pour une sorte de tortillas alléchante, un régal ! Aujourd'hui, j'ai doublé une cinquantaine de pèlerins par vagues successives en fonction de leur départ matinal. Maintenant, j'arrive à reconnaître la nationalité des pèlerins. Habillement et surtout marque de sac à dos. Il y a aussi la démarche : l'asiatique sautille et porte un babelin (chapeau), le canadien, lui, a toujours un écusson de son pays cousu au sac, facile ! L'allemand est droit dans ses bottes, le français est affublé Lafuma ou Millet, démarche " Bourvil ", lui manque plus que l'accordéon. Les espagnols, équipés Décathlon, Quesha, expriment un " holà " bien franc au passage. Je réponds holà et bonjour, si ce sont des francophones, on discute le bout de gras. Quelquefois, je pédale et mon esprit s'évade un peu, c'est la séquence rêverie. A quoi je pense ? Que je suis heureux et qu'ici, en ESPAGNE, c'est le retour des années bonheur. Nostalgie ? Non, simple remarque. Souvent, je m'arrête observer le paysage en arrière, je profite à fond. Hier soir, mon compagnon de lit double ne décrochait pas un mot, malgré mes questions. Pas un sourire, un énorme sac à dos, peut-être un ancien tôlard ? Que sais-je… !!!
Il y en a certains qui marchent pour oublier, une dame avait une chaussure de bébé cousu à son sac, pourquoi ? Que c'est-il passé ? D'autres se la jouent pro du Camino et arborent la coquille, une sorte de refuge aussi. Enfin, on voit de tout. Chacun sa route, chacun son chemin. Des français râleurs arrivent à l'albergue et trouvent des puces dans les plumards, ça gueule, des parigots incorrigibles. Je traverse une région appelée " MASSETA ", redoutée par les pèlerins pour sa monotonie. La légende dit que le créateur aurait donné un coup de massette à cet endroit lors de la fabrication de la terre, d'où le nom de MASSETA (petite massette), 200 km de plat tout de même ! Certaines Albergues me rappellent le camping " Yarga " à GAO, dans la fin des années 70. Une faune hantait les lieux. Un mélange pas très différent de traîne-savates, de demi-sel qui " faisaient " la piste avec une seule idée en tête, à l'entrée dans le désert, ARRIVER A GAO ! Ici, je pourrais dire alors, " SANTIAGAO ". Mais, après tout, l'ESPAGNE n'est-elle pas l'anti-chambre de l'AFRIQUE ? Le pèlerin moderne part les poches pleines, il est considéré sur le GR comme un porte-monnaie ambulant. Les bars détournent les flèches jaunes pour attirer le client. C'est de bonne guerre car certains villages ne survivent exclusivement qu'avec les " Euros pèlerins ". Ici, en ESPAGNE, le coût de la vie est nettement plus bas : 1€ le demi, de 3 à 5 € la nuitée (sans le casse-croûte !). Tandis qu'en FRANCE, c'est 30 € le gîte, réservation obligatoire, souvent, repas " tout-bénef " bricolés avec les légumes du jardin. L'ambiance est feutrée, type maison de repos, chacun fait attention, pas de bruit surtout, un peu " proutt-proutt " à mon goût tout cela. Chez les ibères, because budget minime, il y a plus de jeunes, ça blague, ça crie, c'est plus cool. Même les anonymes, qui voient pourtant défiler des pèlerins tous les jours, souhaitent au passage " buen camino ! ".
Au dortoir, les " Super Dupont " discutent encore, limite racistes, alors je lance : " Le chemin on l'aime ou on le quitte ! " comme ça, ils s'écrasent. Je mitonne ma tambouille : salade de pois chiches, fèves, olives et je vais écluser un tonic au bistrot avant le repas.
Belles photos du coucher de soleil.

Mercredi 16 Septembre 2009
La nouvelle c'est que " Its raining today ". La cape est de rigueur pour le départ de HONTONAS. Le chemin virevolte à flanc de coteau, montées à pic et descentes en galets glissants. Une fois au plat, le chemin est boueux comme après un dégel, cette terre colle, emplie les roues et plus rien ne tourne, ça " embotte " grave. J'en suis réduit à pousser le vélo dans l'herbe, pour mouiller les roues afin que ça avance. Me voici élevé au titre de pousseur marcheur pendant 10 km au moins. A un endroit, des hospitaléros ont organisé une mini buvette. Il y a une source, je lave mon vélo.

- " Il m'a plongé tout entier dans la fontaine, mmmh ! l'eau est chaude. Me voilà bien propre, les roues, la chaîne et tout le reste, génial ! ".

La pluie cesse, le ciel bleu arrive, mais le fortin de CASTOJERIZ est moins accueillant que sur la photo du manuel du chemin, acheté à ST JEAN PIED DE PORT. Profil plat, 20 km de moyenne, à gauche des peupliers rachitiques, un chemin de petits galets avec de la petite tôle ondulée bien tape-cul. Passage des écluses du canal de Castilla à FROMISTA. Décapotage et grignotage de fruits secs sous l'immense panneau " SANTIAGO 463 KM " Arrêt pour apprécier longuement les monuments et églises de CARRION DE LOS CONDES. Aujourd'hui, je fais journée continue, ravito toutes les 30 mn (bananes, cacahuètes) je veux voir ce que ça donne, car, lorsque je m'arrête le midi, le redémarrage est difficile. Là, je double une dizaine de marcheurs, des vélos parfois. J'arrive à SAHAGUN à 16 H, j'ai 85 km au compteur, encore 5 km pour CALZADA DEL COTO. La formule " continue " va bien, mais il était temps que je me pose. Albergue municipale, 25 lits dans deux dortoirs mais seulement deux occupants hollandais pour le moment. Internet free. Une heure plus tard, 4 frenchies arrivent, des retraités pour la plupart. Le village est calme et ça détend beaucoup. Je suis seul dans la chambrée. SANTIAGO 360 KM. Sieste - zen attitude.

- " Hé, où il me gare pour la nuit ? Dans les toilettes, il est pas bien lui ! Ma foi, c'est mieux que dehors.

Les Français sont de NEUILLY, l'un d'eux est patron d'une grande banque et lors de notre discussion il me demande, un poil narquois, si je fais le camino pour des raisons religieuses. Je rétorque du tac au tac, que lors de l'homélie, pendant la messe des pèlerins au départ du PUY EN VELAY, l'évêque a prononcé une phrase intéressante : " un bon pèlerin prête sans intérêts " du coup ça lui cloue gentiment le bec. Est-ce que je le sais pourquoi je vais à SANTIAGO d'abord ? Je suis un nomade, moi ! C'est l'esprit touareg qui me plait.
Coucher 20 H

Jeudi 17 Septembre 2009
Cette nuit, dans l'autre dortoir, il y avait un " pantruchard " qui ronflait à faire pâlir la fusée Ariane en post-décollage. Du coup, les bataves ont rappliqués dans ma chambre, mais sans bruit. J'ai fait le tour de l'horloge " Bienaise " dans un bed qui me rappelait le douillet pucier en plume de ma grand-mère. Vers 8 H, je retrouve les rails du camino au sol un " petit concassé " bien tassé, 20 km de moyenne. C'est aussi plat que le TANEZROUFT. Les bâtons sont de sortie aujourd'hui, il paraît que ça avance plus vite avec, donc, je double bon nombre de skieurs, mais moins qu'hier toutefois. Une fontaine annonce : SANTIAGO - 307 km LEON : Visite de la vieille ville et de l'imposante cathédrale avec ses vitraux en rosaces magnifiques. Repas Janon-patatas à la terrasse d'un resto. Envoie de cartes postales puis retour sur la " Transmasseta " pour 40 km jusqu'à HOSPITAL DE ORBIGO. Franchissement du pont à 19 arches, bon, ça ne vaut pas celui de BEAUGENCY (je suis chauvin) mais il a son cachet. L'aubergiste est hollandais. A cette heure tardive, il y a belle lurette que j'avais encore le camino pour moi tout seul. Passé 14 H, les " chasses-albergues " sont en train de percer leurs ampoules et de se frictionner les abatties, certains dorment déjà. Visite du bled, achat de macarons pour le petit-déj'. Repas dans la cuisine, spaghettis Carbonara c'est bonnard, puis re-visite du patelin pour les couleurs du coucher de soleil. Il est 20H30, ça pionce ferme. - " J'ai plein de copains aujourd'hui, des VTT, des routards, des mixtes. Belles ambiance ce soir dans le parc à vélo ! "

Vendredi 18 Septembre 2009
Cette nuit, nous étions " ensardinés " à 14 personnes dans un petit dortoir d'à peine 15 m². Je flémarde un peu, il est 8 H lorsque je quitte HOSPITAL DE ORBIGO. A la sortie, deux parcours sont proposés. J'opte pour le retour en brousse plutôt que la N 120, retour dans les vignobles et collines. Passage à ASTORGA, sa cathédrale et la plazza DEL MAYOR. Mais décidément le camino ne la quitte pas cette nationale ? Le changement de paysage s'opère à EL GANSO (1000 m), re-voici la montagne et ses éoliennes. Petits sentiers racineux avec un peu de fech-fech et voici une difficulté en vue : LA CRUZ DEL FERRO. 8 km de singles escarpés à fort pourcentage, bonnes parties de poussette et ça grimpe, coupe et re-coupe le goudron. 2 heures d'efforts et la voici : la CRUZ DE FERRO (1490 m). Au sommet du col se trouve un monticule de cailloux, avec au centre une perche d'environ 5 m de haut et de 50 cm de diamètre et à la cime une belle croix de fer. La tradition veut que chaque pèlerin apporte ici une pierre venant de chez lui. Je pose la mienne et une autre pour Victor, comme je le lui avais promis. C'est curieux, il y a de tout autour de ce pieu, brosses à dent, des mots écrits, une chambre à air, des morceaux de tissus… . Deux françaises à vélos arrivent et découvrent l'étonnante coutume de ce lieu, elles posent des cailloux. Descente vertigineuse de 1000 m, très casse-gueule, je resserre les plaquettes 2 fois. La fourche tape. - " J'ai envie de vomir, il me donne le vertige, quelle étape ! Il est increvable mais il ralentit dans le final car ça devient dangereux. " Au bord du superbe pont médiéval de MOLINESCA, un resto propose un menu Pélégrinos-frites à 7 € (Salade russe et côte de porc frites). Mais il me faut pousser plus loin après ce festin, car je serai demain au pied de l'imposant O CEBREIRO.

- " Depuis 2 jours il y a le cul qui fume, la Masseta, mine de rien, a laissé des traces. L'homme de la Pampa est parfois rude mais Il ne sait plus comment se mettre sur la selle, en plus son cuissard n'est pas plus épais qu'un billet de 500 €. Sac à dos trop lourd ! Trop de provisions d'avance, 1 ou 2 kg de plus et voilà ce qui se passe. Il le paye cash !

Etape marathon. J'arrive à bout de force à VILLAFRANCA. Dans l'albergue municipale, il y a de la jeunesse, un groupe joue de la guitare, un kiné propose des massages et les clients sont nombreux, je vous l'assure. L'ambiance monte avec la fin du chemin. J-182 km. Moi aussi je me questionne sur mon arrivée prochaine, mais je reste concentré car une faute est toujours possible. Tiens, justement ce matin je voyais une bicycleta zigzaguer devant moi ; une gamine visiblement au bout, je " cling " avec ma sonnette, la double, elle s'écarte vers moi et paf ! Tout le monde au tapis ! Par chance mes cales sautent, point de mal. En cuisine, les femmes s'activent. Des senteurs de poivrons, oignons, tomates et viande grillée remontent dans l'établissement, ça sent l'ESPAGNE quoi ! La soirée est animée, ça rigole dans les couloirs. Bon, évidemment y'a toujours des ronchons… je vous laisse deviner la nationalité. Je retrouve un couple de cyclistes espagnols rencontré à NAVARRETE, nous sommes contents de nous revoir.

Samedi 19 Septembre 2009
Rude étape aujourd'hui avec l'autre grosse montagne du camino : l'O CEBREIRO (1350 m). La partie " d'écrase patates " débute par un peu de goudron à coté de la N6, ça grimpe raide à flanc de montagne. Je monte seul en poussant, parfois le chemin est dallé, il s'élève à travers la lande. A LAGUNA, un bout de bitume. Le brouillard s'en mêle, c'est du mètre par mètre. Pause avant le finish, j'avale un bocadillos-saucisses tiré du sac. Voici le refuge des pèlerins et les antennes satellites. Par magie, les nuages se dissipent et le soleil m'accompagne pour la descente raidos du chemin de crête. Kway et doudoune obligatoire. Le village d'O CEBREIRO est très touristique. Maison de granit noir et toit de lauze. Voilà le col de POIO, joli mur en finissant. A droite un resto routier tombe à pic. Je ne suis pas dépaysé et m'installe à la table des " tourneux d'volant " à la bonne franquette. Une bonne assiette de Carné-patatas, bien copieuse, me remet de mes efforts. Il est 15 H : plongeon sur TRICASTELLA à travers un chemin creux qui rappelle ST CHELY D'AUBRAC. Je fais gaffe, superbe entrée en Galice. Ambiance montagnarde. Rencontre avec un paysan qui récolte des pommes de terre avec une antique charrue de bois tirée par un bœuf efflanqué. Un autre brave homme, fabrique des bâtons de pèlerin, il veut m'en donner un, je refuse gentiment. Traversées de hameaux très typiques : FOUFNA, BIDUEDO, FILLOVAL. Ils ont chacun leur charme, les maisons aux couleurs de pierre différentes, gros blocs noirs région YSSINGEAUX ou pierres plates grises comme du coté de NIMES. C'est si beau que je les traverse à pieds.

- " Il m'a encore bien secoué aujourd'hui, j'ai essayé de le ralentir mais il a trouvé la combine………

16H30 : TRICASTELLA me tend les bras. 1ère albergue complète, la seconde aussi, la troisième est la bonne. Vous prenez une maison, vous cassez les cloisons, faîtes des dortoirs où vous installez des plumards triple (si le plafond le permet), douches, chiotes….ici 70 places, full tous les jours en saison : Jackpot assuré. Santiago est à 131 km
Les murs sont en dalles de pierres noires, les plafonds en planches de bois épais, la tuyauterie est installée à " l'algérienne " c'est " rustico-typique ", mais ça me va pour la nuit. Le patron, du genre fourmi ouvrière, est multi langues. Il se mélange un tantinet les pédales, et comme je rédige ce résumé dans son office je l'aide à " translatter " (traduire), enfin bon… !!! Malgré tout mon espagnol s'étoffe, je crois qu'un mois de plus avec un dico et ce serait parfait.
4 américaines débarquent, elles s'extasient de tout, c'est vrai que l'intérieur de la bicoque est assez spéciale ; dans la salle à manger les murs sont tapissés d'aubes de curé et autres objets religieux, une vieille sono diffuse des chants grégorien, le tout mélangé à un distributeur de coca et un ordinateur. La table est faite d'une porte de grange où verrou et gonds sont encore présents. Voici un lieu dont le style est difficile à définir. Ici, comme partout sur le chemin, on prépare 2010, année Jacquaire, le jubilé. 2 fois plus de pèlerins sont attendus sur le camino. Repas en compagnie de 9 jeunes polonais. " Macas-boulettes ". Comme il pleut, dodo très tôt. Véritable cure de sommeil ce voyage, je vous dis.

Dimanche 20 Septembre 2009
Ma voisine de lit brésilienne m'a offert hier soir des boules " Quiès ". Mes conduits auditifs, d'habitude réfractaires à tout corps étranger, n'ont pas bronché, je veux bien essayer. Si le camino m'a apporté beaucoup de chose, celle-ci est à mettre sur le podium. Dès que j'ai placé les bouts de mousse dans l'entonnoir : silence complet. Déjà sourd d'origine à 50%, là pas un bruit, même s'il y avait eu une séance de tractor-pulling dans la carrée c'était pareil ! Du coup sommeil profond direct. 6H30 : allumage des feux. Je déjeune de pain et confiture en compagnie de 2 suédois et des " girls " de HUSTON à l'accent chewing-gum et au sourire angélique . Reprise du parcours par la forêt, toujours entrecoupé de traversées de villages et hameaux rappelant la Haute-Loire profonde aux senteurs de bouses de vaches. Je musarde sans objectifs précis, une cinquantaine de kilomètre serait bien pour aujourd'hui. Chemin sympa, souvent bordé de murs de lauzes plates. Je grignote, discute avec des québécois. A SARRIA je croise un couple de marcheurs qui était avec moi hier soir, étape en taxi pour eux ? Y'en a qui trichent ! Photo à la borne des 100 km, casse-croûte avec des grenoblois. Superbe chemin qui rappelle la partie CHAVANAY--BOURG-ARGENTAL, j'aime ça ! PORTAMARIN, traversée du RIO-NINIO. Visite de la ville, les commerces sont fermés, j'avais oublié qu'on était dimanche ! Déconnection complète. Retour en forêt, des pins, des chênes, des maisons isolées, des petites chapelles et aussi de curieuses petites constructions. 5 m sur 2 m,sur 3 m de hauteur environ, un toit en tuiles, les cotés en briques ajourées ; ce sont des Hérréo, des séchoirs à maïs, les pommes y sont entassées et sèchent ainsi. Encore de bonnes suées en sous-bois au 22/32 mais je savoure le beau soleil de Galice. A PALAY DE REI plus que 74,5 km avant SANTIAGO. Albergue communale toute neuve, trois dortoirs, 80 lits, coin cuisine sans casseroles, donc pizza au resto puis automassage des jambes et étirements, un vrai " pro " quoi ! Je ne sais pas si je vais m'écrouler à Santiago mais cela fait 3 semaines de VTT très musclées, HAUTE-LOIRE, LOT, PAYS BASQUES, PYRENEES ET GALICE.

Lundi 21 Septembre 2009
Celui qui a dit que l'ESPAGNE était plate n'y est jamais venu. Traversée de nouveaux villages typiques, la piste s'élargie mais toujours quelques casse-pattes hards, pas longs certes mais j'ai les jambons fumés et le cul à Rika Zaraï : vidé quoi ! Du coup je piétine, je mouline, je suis brouillon, mais le compte à rebours s'égraine doucement, 50, 40…Cette fois je passe des grappes de marcheurs, 150 à 200 en tout. - " Hi, Hi, Hi, ça me chatouille ! Il me lave maintenant. C'est bon, il met beaucoup de savon. Ha ! ça va mieux, je commençais à sentir mauvais. Je suis tout propre désormais. J'ai faim donc je m'enfile un plat à 6 € : œuf steak frites dans un troquet. Km -18 sieste et Km - 4 arrêt dans un immense camp de pèlerins : 800 places, une ville ! Bar, resto, supermercado, chambrée de 8. Enfin je touche au but. Belle fin d'étape en sous-bois finissant par deux pentes goudronnées, bien rude. Arrivée à l'albergue. Un portoricain danse avec un groupe de filles. Dans le soleil couchant on aperçoit les tours de la cathédrale.

Mardi 22 Septembre 2009
Dans la chambrée nous nous étions dit : " Demain nous ne sommes pas pressés " mais lorsque le 1er s'est levé on a tous sauté du lit. Je déjeune tout de même copieusement car je ne sais pas comment va s'articuler cette arrivée et l'organisation du retour. Comme je suis en vélo je coiffe les marcheurs au poteau. Je repaire facilement la cathédrale grâce à une énorme grue à ses cotés. Ca y est, je vois le panneau SANTIAGO, émotion et photos. Je pénètre dans le quartier historique, débouche sur la plazza Immaculada devant la cathédrale, nous sommes 2. Moment fort dans cet environnement chargé d'histoire. Je cherche maintenant le lieu pour obtenir mon diplôme de bon pèlerin. Je suis le 4ème devant la porte, ouverture à 9 H.
Dans la file qui s'allonge il y en a qui tentent de resquiller, alors ça gueule…Ha, non, mince alors, pas ici les gars ! Tout est réglé en 5mn pour moi.
Maintenant " Opération retour ". A la station de bus c'est les douze travaux d'Astérix, enfin voici le bon guichet : départ demain matin 8H30 pour Irun. C'est le mieux que je trouve cela m'avancera toujours, arrivée prévue à 22H30, mais " obligado de embalar la bycicletta ". Au kiosque il y a tout ce qu'il faut, plastique à bulles et scotch, parfait le magasin ouvre à 7 H. J'aurais bien le temps demain matin. Maintenant, où dormir ? Je consulte mon guide, l'albergue Séminar y est noté. Je m'y rends derechef, c'est à 1 km seulement, une grande bâtisse carrée proche du centre ville, 250 lits, j'ai le numéro 80. Je me pose et retourne sereinement visiter. Le soleil a réchauffé les rues de SANTIAGO et forcément les touristes sont sortis. Là ça change tout, passage au marché et boutiques de souvenirs, envoie de cartes postales. J'ai maintenant le loisir de visiter tranquillement la cathédrale et ses alentours… .et que c'est beau ! Cette fois, je savoure SANTIAGO et cela m'impressionne beaucoup plus que ce matin.
La pression chute, je m'assoie pour prendre calmement le temps d'observer la plazza grouillante de populo, certains prennent des photos, d'autres prient ou méditent. Dans les ruelles je croise pas mal de pèlerins qui semblent effrayés par cette foule et c'est ici qu'ils doivent peut-être se dire comme moi : " Nom d'un chien, on en a bavé, mais qu'est-ce qu'on était tranquille sur ce chemin ! ". Trop de monde d'un seul coup. Demain il faut rentrer et le digérer ce camino. Je pense avoir pris de belles photos, nous verrons cela au montage et puis je suis bien content que ma préparation physique ait payé. Retour à l'albergue. Tranquille, j'organise mon sac à dos. Désormais une page se tourne. D'un coup, il me vient un flash, et si je repartais dans l'autre sens ! Ce n'est pas l'envie qui m'en manque, mais " unfortunately " il faut retourner au " Chagrin " l'idée repart aussi vite qu'elle est venue. " Quand ça change ça change faut jamais s'laisser démonter "

Mercredi 23 Septembre 2009
6H45 : Quelques tours de roues vers la " Estacion de autobus ". Au kiosque, bandelettage du MBK pour le transport, une fois ainsi momifié, je prends le temps d'avaler un colacao à la cafétéria. Au garage, Porte 20, je retrouve quelques pélégrinos dont 3 à vélo, un couple de français et un italien.

- " Mais qu'est-ce qu'il m'a fait, il me bâillonne avec du plastique. J'étouffe moi ! et puis pourquoi je suis avec d'autres vélos dans ce bus, je suis coincé.

8H30 : Chargement du bus puis départ. Il sera 23 H quand l'autobus entrera dans IRUN. Voyage longuet (15 h) avec presque du porte à porte. Heureusement que le paysage côtier du Nord est fantastique. La route fût moins " toc " et puis un pèlerin reste humble et calme en toute circonstance. IRUN la nuit ressemble à n'importe quelle autre ville. Par chance, un Bar- Pension est ouvert, une chambre avec 2 lits nous satisfait pleinement, l'italien et moi. Jeudi 24 Septembre 2009 7H30 : Navette pour HENDAYE. A la gare, le guichetier me propose un retour TGV via PARIS (pas question) comme vous l'aurai compris la capitale me blaze, je choisis plutôt BORDEAUX LYON, plus lent mais je ne suis plus à 3 heures prêt. - " Après le bus, le train et il m'a mis à coté des toilettes, c'est gai ! " Allez, en route pour une journée de tortillard ! BAYONNE, BORDEAUX, PERIGUEUX, GUERET, GANNAT, ROANNE, LYON PART-DIEU, PEAGE DE ROUSSILLON. Ouf ! 20 H, toute la famille accueille le cyclo-pélerin, voilà 28 jours que je suis parti et l'impression que ça fait 3 ans. Des souvenirs plein la tête à faire partager. C'est le bout du chemin, il faut se " reconnecter " maintenant….

- " Ouf, je respire ! Il me libère enfin du plastique. Tiens, on est revenu à Anjou. "

Dimanche 27 septembre 2009
Je me remets au VTT, mes muscles s'impatientent, ils veulent encore souffrir. Je pensais rêver de vélo après ce long voyage, mais non, curieusement, je marche toutes les nuits, comment expliquer cela ? Une envie secrète de faire le chemin à pieds peut-être ?… J'ai tellement doublé de marcheurs. Ou peut-être ne me suis-je pas assez imprégné du chemin…. A méditer…

Vendredi 16 Octobre 2009
Médiathèque de SALAISE SUR SANNE 20 h: C'est le vernissage de l'expo photos où Stéph a présenté de superbes images de ses vacances en Camargue. Il ya beaucoup de monde et dans le brouhaha en règle générale (surdité oblige), je suis dans ma bulle. Mon ami Fouad me questionne sur mon périple à SANTIAGO. " Est-ce-que tu as vu des cygnes ? " " Des quoi ? " " Des cygnes " " Non pourquoi ? " répondis-je étonné après lui avoir fait répéter la question encore une fois. Je vois bien qu'il est préoccupé, et il insiste. " Tu n'as pas reçu de signes de Dieu ? " (Euréka !) Je réponds pris au dépourvu en plaisantant : " Ben non… Tu sais à vélo ça va trop vite " Temps d'hésitation. D'obédience musulmane pourtant " ultra-light " le pauvre Fouad me regarde désabusé et se détourne de moi en pensant que je ne suis qu'une brebis égarée. Ce dialogue de sourds m'a d'abord amusé et fait gamberger ensuite. Certes le tumulte n'est pas propice à la confidence et puis parler du message que peut (ou non) envoyer le chemin de Compostelle, en discuter là comme çà, ce n'est pas spontané chez moi. Même mon Psy ne le saura pas. Wouallayh !!! C'est vous dire.

J'ai quitté le Camino le 23 Septembre dernier, tout ce que je peux confier, c'est que déjà le chemin me rappelle et grave.
Donc, il a encore des choses à me dire. C'est bon " cygne " …..

Novembre 2009

-" Bon, c'est quand qu'on repart ? " ..................... ............... .. . . . ..... ...... .. ... ... .......... .. .. ... . . .. . .. FIN





Dans le rôle du Vélo : Raoul
Le Cyclo-pèlerin : Christian HURAULT
La Guest-stars : Stéphane BROUCHOUD
Dans le rôle du " Cantador de Champoulet " : Denis GUILLOTIN
Auteur : Christian HURAULT
Script : Claudine HURAULT

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